L'Echo de la Fabrique : 8 février 1835 - Numéro 6

ENCORE L’AFFAIRE BOFFERDING,

contre gelot et ferrière.

Nous avons dit que la question du montage de métiers, résolue en faveur des négocians contre les chefs d’atelier, les ruinerait plus ou moins vite ; mais les ruinerait certainement : nous maintenons notre dire. Sans doute, il y aura des exceptions, il y en a partout ; mais l’exception confirme la règle. Un exemple choisi entre mille et que nous choisissons seulement parce qu’il s’appuye sur un débat judiciaire, va nous fournir la preuve que nos lecteurs, étrangers, à la fabrique, sont en droit d’exiger,

[1.2]On se souvient que par un jugement du 20 décembre dernier, le conseil des prud’hommes a réservé à Bofferding ses droits pour les frais à lui dus, par suite de l’interprétation donnée à sa convention avec Gelot et Ferrière. Bofferding a exécuté le jugement ; il a fait monter les deux métiers, suivant la nouvelle disposition, et aujourd’hui il est créancier, tant pour les frais dudit montage, que pour l’indemnité de 95 fr. Voici son compte avec la quittance à l’appui, du sieur André ; tel que M. Bofferding nous l’a remis.

1° Payé à M. André pour avoir décolté et récolté un métier, en 1,500 : 8 fr.
Id. dépendu : 4 fr.
Id. empoulé les rives : 2 fr.
Id. pendu avec la soie : 6 fr.
Id. apareillé : 5 fr.
Total : 25 fr.
Mêmes frais pour un second métier : 25 fr.
Total : 50 fr.

Le sieur André a donné son acquit de cette somme le 6 janvier dernier.

2° Nourriture au sieur André et à son aide : 10 fr.

3° Sept journées perdues à 5 fr. : 35 fr.

Total : 95 fr.

MM. Gelot et Ferrière ont eu la générosité d’offrir 30 fr. De là, instance devant le conseil, et le conseil prenant le juste milieu a alloué 40 fr. 80 c. pour frais et 30 fr. pour indemnité.

Sans doute, le Conseil ne doit pas allouer à un fabricant une demande qui serait évidemment exagérée ; mais il nous semble que vu les circonstances de la cause, il y aurait eu justice de faire droit à une demande même plus, élevée ; mais il y a mieux : chacun est à même de vérifier l’exactitude du compte produit par M. Bofferding, et de se convaincre que ce chef d’atelier ne demandait que ce qui lui était rigoureusement dû ; à moins de le déclarer faussaire, pour avoir produit un compte de dépenses mensonger, et de déclarer, en même temps, le sieur André, complice du faux, pour avoir signé ce compte. Bien certainement, le Conseil n’a pas envisagé les conséquences logiques de sa décision ; car il n’aurait pas fait à deux citoyens respectables, cette injure gratuite.

Nous ne cesserons donc pas de le dire. La question du montage des métiers est l’une des plus graves que la fabrique ait en instance ; mais on n’obtiendra aucune solution avantageuse, tant qu’on s’obstinera à ne voir dans le chef d’atelier qu’un manœuvrier sujet à livret et aux exigences légales qui en résultent. Il faut que le chef d’atelier soit libre d’établir ses frais de mise en œuvre avec la même indépendance, le même bénéfice que le maçon, le charpentier, etc. : il faut que le négociant traite avec lui d’égal à égal, et non plus de maître à clerc. C’est une révolution morale qui doit s’opérer à cet égard ; nous l’appelons de tous nos vœux, [2.1]et nous y contribuerons autant qu’il sera dans notre sphère.

 

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