L'Echo de la Fabrique : 8 février 1835 - Numéro 6

GRRRRANDE DÉCOUVERTE LITTÉRAIRE1.

Lorsque Pythagore trouva le carré de l’hypoténuse, dans l’excès de sa joie, il sacrifia une hécatombe aux dieux protecteurs. Nous n’avons pas offert de sacrifice ; mais notre joie n’en est pas moins indicible ; car il nous est arrivée une bonne fortune telle que le grrrrrrrrrand Philipon la payerait au poids de l’or. Aussi nous comptons bien en faire part à notre éminentissime confrère.

Nous avons trouvé du VIENNET : Que ce soit un jour de liesse pour la Caricature ! Hosanna, dans les bureaux du Charivari !

Vous êtes impatiens, lecteurs, nous le concevons, et nous ne voulons pas retarder davantage le rire fou qui va dérider votre front. Voici le précieux morceau ; il est extrait d’une lettre adressée par l’illustre martyr d’Estagel, à M. H. Leguern qui s’est hâté d’en enrichir, sous forme d’épigraphe, sa brochure de Rosoline ou les mystères de la tombe, dont nous entretiendrons, un jour, les lecteurs. Lisez et pâmez-vous d’aise.

« Nous n’avons pas le droit d’enterrer les vivans, et personne ne se soucie d’être victime de notre promptitude en fait de d’inhumations. – Ceux-là même qui font le moins de cas de la vie ne veulent pas être exposés à souffrir les tortures d’un pareil supplice. Il y aurait de quoi les dégoûter de mourir etc. »

Ah ! bourreau ! de Leguern ; pourquoi vous arrêter ? Pourquoi être ainsi avare des plaisirs du public ? Pourquoi n’avoir pas donné le reste de cette épître ?

Voyez, comme ce peu de mots est sublime ; comme tout est frappé au type du génie. Ah ! M. Viennet, vous êtes aussi éloquent en prose qu’en vers ! Il faudrait un nouveau Mathanasius, pour faire ressortir les beautés de ce simple extrait. Quelle profonde vérité dans ces mots : « Nous n’avons pas le droit d’enterrer les vivans. » Quelle naïveté sublime dans ceux-ci : « Il y aurait de quoi les dégoûter de mourir. » Nous renonçons à faire, sur ce morceau d’éloquence, le commentaire [3.2]qu’il mérite ; que d’autres plus savans s’en occupent ; ils obtiendront à coup sur l’immortalité pour prix d’un pareil travail.

Notes de base de page numériques:

1 Jean-Pons Guillaume Viennet (1777-1868), était un député conservateur, zélateur du Roi et de la politique du  juste-milieu, mais aussi un poète et auteur dramatique médiocre poursuivi par l’insuccès. Il était donc la cible régulière de la Caricature ou du Charivari, les journaux de Charles Philippon (1800-1862). L’article de la Tribune prolétaire mentionne un court épigraphe de Viennet ornant l’ouvrage d’Hyacinthe Le Guern, Rosoline, ou les Mystères de la tombe, recueil historique d'événements nécessitant qu'on prenne des précautions pour bien constater l'intervalle qui peut s'écouler entre la mort imparfaite et la mort absolue (1834) et moque Viennet, regrettant que la moindre de ses saillies ne puisse bénéficier du travail de bénédictin d’un Chrisotome Mathanasius qui avait publié, au 18e siècle, Le chef d’œuvre d’un inconnu.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique