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15 février 1835 - Numéro 7
 

 




 
 
     

DEUXIEME SUITE DES INSTRUCTIONS

sur les élections du conseil des prud’hommesi

Section de soierie.

[1.1]Dimanche dernier un tableau de rectification a été affiché ; nous pensons que cette affiche ne dispense pas de l’exécution de l’art. 4 de l’arrêté de M. le Préfet et que les listes closes et rectifiées seront affichées de nouveau en entier le 1er mars prochain.

Les citoyens qui auraient réclamé et à qui il n’aurait pas été fait droit ont dû, comme nous les en avons prévenus, appeler devant le Préfet de la décision du maire. Le délai pour cet appel a commencé mardi dernier, il expire aujourd’hui.

Les décisions du conseil de préfecture seront rendues d’aujourd’hui 15 au 20 du courant, transmises immédiatement à MM. les maires et notifiées dans les cinq jours aux parties intéressées.

Les décisions du conseil de Préfecture peuvent être attaquées devant le conseil d’état, mais nous croyons inutile de nous étendre sur ce sujet.

Dans le prochain N° nous commencerons à appeler l’attention des lecteurs sur l’importance des élections auxquelles la fabrique est appelée.


i. L’article Elections du conseil des prud’hommes, publié dans le N° du Censeur de lundi dernier est la reproduction textuelle des instructions, insérées dans le N° 6 de la TRIBUNE PROLETAIRE. C’est sans doute par erreur que le Censeur a omis de la citer.

L’INDICATEUR et la TRIBUNE PROLÉTAIRE.

Les lecteurs savent que sur nos pas et comme pour protester contre l’union morale de la classe ouvrière, un journal (l’Indicateur) s’est hâté de paraître. Partisans de la liberté de la presse, de la libre concurrence, nous aurions mauvaise grâce de nous plaindre, seulement nous aurions désiré que ce journal n’eut dû son existence qu’au désir, naturel à tous les hommes, de produire ses doctrines ; nous les aurions combattues, il aurait attaqué les nôtres, et lorsque cette polémique se renferme dans les bornes d’une discussion décente, elle est utile à tous ; en d’autres termes, nous aurions demandé que l’Indicateur cherchât dans sa rédaction seulement des élémens de succès, et non en s’appuyant sur des influences occultes auxquelles, nous le déclarons franchement, la probité littéraire et l’indépendance d’un écrivain, qui se respecte, se refuseront toujours. L’Indicateur commença sa carrière, chose passablement curieuse, par demander, d’un ton piteux et emphatique, des rédacteurs, comme si le personnel de la rédaction ne devait pas toujours précéder l’établissement d’un journal, comme si une rédaction mendiée pouvait être homogène et répondre aux exigences de la mission du journalisme.

Un homme de lettres, d’un grand mérite, M. Eugène Dufaitelle se présenta d’abord et formula une doctrine pour l’Indicateur qui n’en avait pas. Nous avions adopté [1.2]les principes de J. B. Say ; M. Dufaitelle se prononça pour ceux de Sismondi. L’article qu’il publia dans le N° 8 de l’Indicateur ne pouvait être qu’un prolégomène ; il suffisait comme exposition de principes, mais les développemens devaient suivre : dans un journal comme à la tribune, il ne suffit pas de disserter, il faut conclure. Nous relevâmes le gant jeté par M. Dufaitelle et nous fîmes la promesse de répondre ; mais cet écrivain ayant quitté la ville, les convenances se sont opposées à une réponse directe : nous la ferons plus tard d’une manière générale. Il est résulté du départ de M. Dufaitelle que la doctrine avancée par l’Indicateur est restée inachevée, et l’article dont nous parlons n’a été, sous tous les rapports, même sous celui du style, qu’un accident heureux dans sa rédaction. Qu’est-ce qu’un journal dont la vie est ainsi précaire ? L’Indicateur a cherché un nouveau pilote. M. Marc Derrion, ex-St-Simonien, auteur d’une brochure sur la Constitution de l’Industrie, dont nous n’avons pas cru devoir rendre compte parce que nous l’avons regardée comme l’une de ces nombreuses élucubrations de l’esprit humain qu’un jour voit naître et le lendemain voit mourir ; M. Derrion s’est présenté et a été accepté avec empressement : on croit si facilement à ces hommes qui annoncent avoir une panacée universelle ! L’homme qui souffre est si facile à abuser ! et il est si facile d’abuser les autres lorsqu’on est soi-même dupe de son imagination, ainsi qu’il arrive à presque tous les novateurs.

M. Derrion, rédacteur en chef de l’Indicateur, a composé successivement six articles de fond sous le titre pompeux d’Amélioration Industrielle ; il a eu l’art, il faut le dire, d’intéresser et de tenir en suspens ses lecteurs pendant cinq semaines, mais
La montagne en travail enfante une souris,
et ce beau projet d’amélioration industrielle s’est terminé par la proposition d’établir une boutique d’épicerie. Si cette conclusion n’eut pas été donnée sérieusement, si nous ne savions pas d’ailleurs que c’est une idée fixe de M. Derrion, idée empruntée et rabougrie du système de Fourier, nous aurions cru que le journaliste avait voulu mystifier ses abonnés. La mystification n’eut pas été convenable.

Maintenant que cette pasquinade a vu sa fin, l’Indicateur, dans sa haine de la libre concurrence, va plus loin, mais sa haine l’a aveuglé ; sa haine l’a rendu ignoble. Nous devons nous expliquer quoiqu’il nous en coûte.

Au nom de la saine portion, de l’immense majorité des ouvriers, nous protestons contre l’article inséré dans le dernier N° de l’Indicateur ; c’est un devoir pour nous, car nous craindrions de rester, aux yeux du public, solidaires d’un pareil dévergondage. Loin de nous une popularité qu’il faudrait acquérir à un tel prix ! Loin de nous un lâche silence ! Assez de préventions existent contre la presse populaire. Traçons une ligne de démarcation entre les véritables défenseurs de la classe populaire et ceux à qui l’injure et la violence seules servent de raison.

[2.1]L’Indicateur s’exprime ainsi dans son article de dimanche dernier, intitulé : Un mot sur l’état actuel de l’Industrie :

« Il serait difficile de trouver une classe plus perverse, plus dévorante, plus prodigue et plus athée que celle des fabricansi. D’abord, comme le fabricant ne produit rien par lui-même, comme il transmet seulement des produits, comme il exerce le métier de crocheteur en grand, comme, en fin de compte, il travaille fort peu et qu’il ne fabrique que des belles paroles, ce dont Dieu sait comme il s’acquitte ; il semblerait que dans l’échelle industrielle il devrait occuper le dernier degré, qu’il dût être le moins considéré et le moins rétribué des salariés (à part quelques rares talens dignes d’estime dont nous, ouvriers, savons apprécier tout le mérite), et placé sur la même ligne que le marchand de cirage, dont il est la plus haute expression. Le fabricant est le chancre rongeur de notre industrie ; il attaque la production à sa source et puis il abuse de l’indigence des travailleurs ; il traite enfin l’ouvrier comme un esclave qui chaque jour reçoit par ses bourreaux des coups de nerf de bœuf et contraint de dire merci. […] ainsi, Jésus ne dit pas bienheureux les pauvres, mais bienheureux les pauvres d’esprit ! c’est-à-dire ceux qui ne désirent pas les richesses ; car parmi les pauvres il y a des brigands, ce sont ceux qui désirent devenir riches. – Or, c’est le petit nombre : la plupart des ouvriers ne veulent que vivre en travaillant. – les commerçans au contraire sont riches ou dans le voisinage du riche, possesseurs ou envieux d’opulence. Aussi sont-ils maudits de Jésus. […] »

Nous avons bien assez de ces citations ; c’est à peu près là le style du père Duchesne1, style qui révolta jusqu’à Robespierre.

Sont-ce là les moyens de prosélytisme que l’Indicateur veut employer pour rallier les dissidens à la cause sainte du prolétariat. L’exagération est une faute grave, même contre la logique. Permis à l’Indicateur de juger inutile la classe des marchans fabricans comme il l’a été à M. Bergeret de trouver inutile celle des chefs d’atelier ; mais est-ce raisonner que de dire des injures, et les mots ; crocheteur, marchand de cirage donnés en épithète aux négocians en soieries ; ne sont-ils pas totalement ridicules ? Quelle est la femme de la Halle, ou la fille déhontée d’un carrefour qui n’a pas, au besoin, un semblable répertoire à son service. Le réformateur demande lui aussi une nouvelle organisation de la société ; mais quelle différence : combien son langage est noble et conciliant ; on voit qu’il craint de blesser individuellement ceux qu’il attaque en masse ; on voit que l’amour du bien public est le seul mobile qui l’anime, et on lui en sait gré, et on l’écoute.

Encore une fois, est-ce donc servir la cause du peuple que d’employer de pareilles armes. Cette cause n’est-elle donc pas assez grande, assez belle, assez juste pour inspirer à ceux qui acceptent la mission de plaider pour elle autre chose que de plates injures, de sales quolibets ? nous lui sommes dévoués à cette cause : nous en avons donné la preuve ; nous ne sommes pas des hommes nouveaux auxquels on demande : Qui êtes vous ? d’où venez-vous ? où allez-vous ? Mais nous briserions notre plume plutôt que de la prostituer ainsi.

Créé au milieu des orages, l’Echo de la Fabrique, premier organe de la cause prolétaire, journal né dans l’atelier, vivant dans l’atelier, fut quelquefois violentii (2). Fut-il insolent ? Jamais ! Jamais il ne poussa à la haine d’une classe contre une autre. Il voulait que le travail [2.2]et le capital fussent égaux ; jamais il ne demanda que l’un fût asservi à l’autre. L’Echo de la Fabrique eut des paroles sévères contre l’égoïsme et la cupidité ; jamais il ne demanda le bouleversement de la société sous le prétexte de la réorganiser. Et pourquoi ? c’est que l’Echo de la Fabrique ne dépendait que de la conscience de ses rédacteurs ; c’est qu’il n’avait pas le zèle intolérant, le fanatisme d’un sectaire. Il accueillait les doctrines de St-Simon, de Fourier, de Mazel2 ; mais juge du camp, il ne leur permettait pas d’envahir sa rédaction. L’Echo des Travailleurs hérita de ces principes et les conserva religieusement. La Tribune Prolétaire les professe aussi ; elle y sera fidèle, elle défendra toujours, comme elle l’a fait, les droits des ouvriers ; elle les défendra avec force et clarté, avec persévérance ; mais avec calme, sans recourir à l’hyperbole, à l’injure, à la calomnie.

L’Indicateur croit devoir suivre une autre route : il s’y perdra sans doute ; car ses paroles auront bientôt perdu toute influence, suite nécessaire de l’exagération. Si nous n’envisagions que nos intérêts matériels, nous pourrions nous en réjouir, mais nous sommes affligés que les deux journaux de la classe ouvrière ne puissent converger vers le même but, lors même que leurs doctrines d’économie sociale seraient différentes. Nous ne pouvons plus croire à des doctrines de la part de l’Indicateur, nous ne pouvons plus les discuter ; car c’est de la fureur, de la rage et l’on ne discute pas avec des énergumènes.

Nous laisserons donc poursuivre à l’Indicateur cette carrière désastreuse pour les intérêts qu’il prétend défendre. Il nous suffira d’avoir protesté et le peuple un peu plus tôt, un peu plus tard reconnaîtra de quel côté sont ses véritables amis.


iN. D. R. – : Les actionnaires de l’Echo de la Fabrique avaient décidé que le mot de fabricant serait employé pour désigner les chefs d’atelier, et que l’on appellerait négocians ou marchands fabricans ceux qu’un usage irrationnel a décoré du nom de fabricant, qui ne saurait leur appartenir. En effet le décret de 1806 et tous les actes de l’autorité disent marchands-fabricans et n’emploient le mot de fabricant que pour les ouvriers en soie. L’envie de se signaler a déterminé l’Indicateur à s’insurger contre la logique en appelant fabricans des gens qui ne fabriquent rien.
ii. Les meilleurs esprits sont susceptibles de prévention : M. Jules Favre qui, dans sa brochure de la coalition des chefs d’atelier, avait censuré la rédaction de l’Echo de la Fabrique pendant la gérance de MM. Falconnet, Vidal et Berger ; que dira-t-il de la rédaction de l’Indicateur ?

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 12 février 1835.

Président M. Riboud, Membres : MM. Blanc, Bourdon, Chantre, Cochet, Dumas, Micoud, Milleron, Pellin, Perret, Rodet, Vérat, Wuarin.

Vingt-deux causes sont appelées dont huit sur citation, sept sont retiréesi, quatre sont jugées par défaut, une renvoyée à huitaine, une autre au 19 mars, les autres jugées contradictoirement ou renvoyées en conciliation ; au nombre de ces dernières se trouvent celles de 1° Pinot père et filscontre Dupuis, renvoyée devant MM. Rodet et Teissier (section de chapellerie) ; 2° Nugues contre Cavalier, relative à un montage de métier, renvoyée devant MM. Dufour et Milleron.

ebenot c. billon et candy. Les questions à juger étaient celles-ci :

Un négociant peut-il établir, par ses livres, qu’une somme qui ne figure pas sur le livre du chef d’atelier lui a cependant été comptée ? – Oui.

Le conseil peut-il se déterminer par des considérations telles que l’habitude du fabricant de recevoir de l’argent à la fin de chaque pièce ? – Oui.

Ebenot soutenait n’avoir pas reçu une somme de 100 fr., laquelle, en effet, n’était pas marquée sur son livre. MM. Billon et Candy prétendaient que c’était une erreur, ils montraient leur livre de caisse où cette somme était portée. A cet égard Ebenot articulait avoir appris qu’une erreur de caisse de 200 fr. avait été faite chez MM. Billon et Candy, et il en concluait qu’on avait voulu la redresser en partie à ses dépens. Le conseil a résolu affirmativement les questions posées [3.1]ci-dessus et a condamné le fabricant à tenir compte de cette somme de 100 fr.ii.

Les autres causes avaient trait à des contestations entre des chefs d’atelier et des apprentis et ne présentent aucune question nouvelle. Trois affaires entre des graveurs (Pelletier c. Copier ; Lazarre c. Corme ; mariés Poizat c. Verdier) ne présentent également, aucun intérêt. Deux causes relatives à des contraventions doivent aussi être passées sous silence.


i. M. Charnier qui était dans l’auditoire, ayant adressé à M. le président quelques mots au sujet de l’une d’elles (Rémond c. Mouron) a reçu une réponse un peu brusque. Nous dirons franchement : M. le président aurait pu avoir des paroles plus douces envers un collègue ; mais M. Charnier était dans son tort en interpellant publiquement le président ; il avait encore tort sous un autre rapport : les prud’hommes ne peuvent cumuler leurs fonctions avec l’office de défenseur, même gratuit. Ils sont appelés à conseiller, concilier et juger les parties et non à les défendre. Le zèle de M. Charnier l’a emporté trop loin.
ii. Au premier aspect, ce jugement paraît juste et cependant il y a de graves objections à faire La première est celle-ci, et nous désirerions grandement avoir la réponse de M. le président et de ses collègues négocians. Un chef d’atelier a-t-il le droit d’exiger en cas de contestation, la représentation des livres du négociant ? nous répondra-t-on par l’affirmative ? Nous en doutons, cependant pour être conséquent le conseil devra, toutes les fois qu’un fabricant le demandera, ordonner l’apport des livres du négociant. On sent toute l’injustice qu’il y a d’accorder à l’un ce qu’on est disposé à refuser à l’autre, et cependant il serait plus rationnel de donner cette satisfaction au chef d’atelier, car ce n’est pas lui qui écrit sur son livre. Son livre est donc bien un titre pour lui ; mais à l’égard des livres de commerce des négocians, il est de principe qu’ils ne font jamais foi pour eux, mais bien contre eux. Le conseil a violé ce principe contenu dans les art. 1329 du code civil et 12 du code du commerce : il aurait dû au moins déférer d’office le serment à Billon et Candy en exécution de l’art. 1366 du code civil.

SOUSCRIPTION

POUR L’AMENDE DE LA TRIBUNE PROLÉTAIRE.

6e liste ouverte au Bureau.

Un véritable constitutionnel, 2 fr. – Bellin, 1 fr. – Riv…, 30 c., – Serdon, 75 c. – Binot, 1 fr. 50 c. – Elie C., 25 c. – Cof…, 25 c. – Un prolétaire, 15 c.

Total : 6 fr. 40 c.

Projet d’un canal souterrain à pratiquer dans la montagne de la Croix-Rousse pour la jonction du Rhône et de la Saône.

La ville de Lyon et les communes de la Guillotière et de Vaise ont fréquemment à souffrir des inondations du Rhône et de la Saône. Outre les dévastations que causent ces débordemens, ils ont encore l’inconvénient de laisser, après eux dans les bas-fonds qu’ils ont envahis, des eaux qui, à la longue, deviennent insalubres, et exhalent des miasmes morbifiques. C’est ainsi que le Rhône et la Saône, naturellement destinés à faire l’ornement et la richesse de la cité lyonnaise, compromettent la santé et la fortune de ses habitans. Préserver le pays de leurs débâcles et en diminuer la nocuité, faciliter les communications entre les populations placées sur les rives respectives, tel est le but que se propose l’auteur de ce projet.

Il a mis à profit l’expérience acquise sur la marche de l’inondation du fleuve et de celle de la rivière. Il a reconnu : 1° que l’inondation du Rhône s’effectue en 24 et 48 heures, et qu’elle se retire aussi promptement qu’elle est venue ; 2° que la crue de la Saône dure 9 jours, quelquefois 18 et même 27 jours et qu’elle est aussi lente à rentrer dans son lit qu’à en sortir ; 3° que les crues du Rhône et de la Saône sont rarement simultanées et que généralement elles se succèdent.

Il a conclu de ses observations, qu’en ouvrant un canal souterrain dans la montagne de la Croix-Rousse, on obtiendrait par là l’écoulement du trop-plein du Rhône dans la Saône et réciproquement de la Saône dans le Rhône.

Situation du canal : – Le canal serait percé souterrainement [3.2]comme l’on été, le canal de Givors, celui de Saint-Maur (Seine) ; comme les chemins de fer, etc. etc. Il serait percé en ligne droite : sous les murs de la ville, de la Barrière de Serin et de Saint-Clair.

La montagne de la Croix-Rousse a, de la rive de la Saône à la rive du Rhône, 1 950 mètres d’étendu, sa hauteur est de 85 mètres.

Le percé aurait 60 pieds de largeur dont 40 pour le lit du canal et 10 pour chacun des chemins latéraux destinés un à l’aller et l’autre au retour, tant pour le public que pour le service du halage. La voûte du percé serait à ogive, elle aurait 28 pieds de hauteur. Le lit du canal serait creusé de 18 pieds.

Les chemins latéraux devront être de 48 pouces en contrebas des eaux du fleuve ou de la rivière à déborder ; l’on conçoit bien qu’en cas de débordement, ce percé ne serait plus ni un canal ni une route, mais bien une rivière portant du Rhône à la Saône et vice versa les eaux surabondantes, et diminuant ainsi pour les rives respectives les dangers de l’inondation.

La position de ce canal serait unique en France. On ne saurait, en effet, en trouver une plus favorisée par la nature. Placé à l’entrée d’une cité qui est la seconde du royaume pour la population, et la première par le commerce et l’industrie, joignant un fleuve et une rivière, aboutissant à deux grandes routes, contigu à plusieurs points ; ce canal promet au commerce lyonnais une nouvelle ère de prospérité, les avantages que les populations doivent en retirer sont incalculables.

(La suite au prochain N°.)

ORIGINE DES CHOUANS,

et étymologie de ce nom.

Dans une ferme du Bas Maine, peu distante du village de Laselle Craonais, département de la Mayenne, vivait en 1780, un bûcheron nommé Cottereau. Son séjour habituel dans les bois, et une monomanie de taciturnité lui avaient acquis le surnom de Chouan ; par corruption de chat-huant. Il mourut ; mais le surnom, que lui avait valu sa vie sauvage, se perpétua en passant à sa postérité. Parmi ses enfans se trouvait un jeune homme nommé Jean, son caractère énergique ne lui permettait de subir aucun frein : secouant franchement, dès ses premières années, tout joug, toute dépendance, il voua d’abord aux préposés de la gabelle une haine à mort. Il avait des collisions assez fréquentes avec les gabeloux ; et dans ses querelles avec eux, il ne se faisait nulle faute des argumens les plus persuasifs qu’il pouvait trouver au bout de son bâton noueux et ferré. Or, un jour que sa logique fut plus pressée, plus serrée qu’à l’ordinaire, il advint que deux des champions ses adversaires n’ayant pu résister à sa touchante éloquence, se couchèrent humblement dans les genêts ; mais, par malheur pour Jean Chouan, ils purent se réveiller de la stupeur où ses argumens les avaient plongés, et ils allèrent exhiber devant qui de droit les preuves des moyens oratoires dont on avait usé à leur égard, et demander justice de pareils attentats.

Dans cette fâcheuse occurrence, sa mère se rend à Versailles, auprès du roi, elle implore et obtient la grâce de son fils.

Jean Chouan, par reconnaissance ou par nécessité, se fit soldat, mais bientôt il déserta ; et à l’exemple de son père, il établit sa demeure au milieu des forêts, moins cependant pour l’envie de faire des fagots, que par la nécessité de se soustraire aux recherches dont il était l’objet.

Dans ces entrefaites, survînt cette grande commotion populaire qui renversa à la fois et les bastilles du pouvoir absolu, et les insolens donjons de l’aristocratie à parchemin.

À cette époque, bien plus encore qu’aujourd’hui, la civilisation était loin d’avoir pu développer ses fruits salutaires dans les provinces occidentales ; et le paysan breton ou manceau vivant isolé dans ses fermes champêtre, et n’ayant que des rapports fort rares avec l’habitant plus éclairé des villes, avait conservé intacts tous les préjugés, tous les usages du moyen âge. Comme au [4.1]temps des croisades, son curé était encore pour lui, le symbole vivant d’une puissance intermédiaire entre le ciel et la terre, et qui avait le pouvoir d’ouvrir ou fermer les portes du séjour de l’éternelle félicité ; vu sous cet aspect, le prêtre jouissait d’une influence illimitée ; sa parole était considérée comme sacrée ; et, quand il se vit dépouillé de la dîme d’abord, et chassé de ses temples ensuite, il ne lui fut pas difficile de persuader à ses superstitieux paroissiens que la cause de Dieu était compromise avec celle du Roi, et que pour rétablir l’une ils devraient se dévouer au salut de l’autre. Sur plusieurs points on courut aux armes pour défendre l’autel et le trône. C’est à JeanChouan qu’on fait honneur de la première levée de boucliers. Un jour, au mois d’août 1792, la population virile du canton avait été convoquée au chef-lieu pour la formation des gardes nationales. L’orateur, l’un des administrateurs du district, après avoir exposé le but et la nécessité de l’institution nouvelle, menaça de la prison quiconque manifesterait de l’opposition à la mesure décrétée.

L’assemblée écoutait dans un profond silence : tout à coup un homme s’élance de la foule, se précipite sur l’estrade et s’écrie : « Non, non, point de volontaires, point de garde nationale ! Le Roi n’est pas libre, ce n’est pas pour lui qu’on demande nos bras, et ce n’est qu’à lui que nous voulons les consacrer, nous ne partirons pas ! Nous resterons au milieu de nos haies pour y défendre l’autorité du Roi. »

Et cet audacieux, c’était JeanChouan.

Il fut entendu : ses partisans et lui se ruèrent sur les magistrats ; et dès ce moment, se constituant chef d’insurrection, il donna à sa bande son surnom et ses ordres. A son exemple, d’autres fanatiques organisèrent la résistance sur presque tous les points de la rive droite de la Mayenne ; mais ils renfermèrent leurs expéditions dans les limites de leurs cantons, et c’est pour cette raison que les Vendéens, qui ont opéré sur un terrain plus vaste, et avec de tout autres moyens de succès, ne doivent point être confondus avec les Chouans.

Quant au premier chef de ceux-ci, après des altercations de succès et de revers, il mourut d’un coup de feu aux lieux mêmes où il avait arboré l’étendard de la résistance.

ODE RELIGIEUSE.

l’agonie.

Ton temple m’attendrit par sa majesté sainte,
Et mon âme, Seigneur, s’ouvre et s’élève à toi…
Mais quel est donc ce bruit ? C’est la cloche qui tinte !
Trois sons entrecoupés !… Je frémis malgré moi !

La mort va donc frapper un enfant de la terre !
Dieu le veut, c’en est fait, son dernier jour à lui ;
Le prêtre l’a marqué de l’huile salutaire :
C’est un chrétien qui meurt, chrétiens priez pour lui.

Mais au ver dévorant qui va livrer ses restes ?
Un être qui long-temps a souffert ici-bas,
Qui pour parer son front des guirlandes célestes,
De cette vie enfin voit finir les combats ?

Peut-être que l’espoir d’une riche famille,
Qui la voyait s’orner d’attraits et de pudeur,
L’idole d’un amant, meurt une jeune fille,
Dont l’église eût bientôt béni la chaste ardeur.

C’est peut-être un guerrier couvert de cicatrices,
Un guerrier qui guida nos drapeaux triomphans,
Dont un or viager a payé les services,
Qui lègue pour tout bien sa gloire à ses enfans.

Mais ne serait-ce point un jeune homme, un poète,
Qui s’essayait à prendre un essor glorieux ;
Qui sentant s’approcher le trépas qui l’arrête,
Touche son front glacé d’un doigt mystérieux ?

Mais je n’entends plus rien… de sa prison grossière
L’âme sort et s’envole au séjour éternel ;
Et le corps va bientôt retourner en poussière,
Pour attendre le jour du réveil solennel.

De la terre, habitant éphémère et fragile
Ainsi je subirai, l’atteinte du trépas ;
Mais lorsque je perdrai ma dépouille d’argile,
Un destin m’est promis, que je ne comprends pas !

[4.2]Ame, qui maintenant perce la nuit profonde
Où l’esprit des vivans s’égare épouvanté,
Toi qui jouis déjà des biens de l’autre monde,
Dis-moi ce qu’à mes sens cache l’éternité.

edouard d’anglemont1.

L’ouvrage de M. C. beaulieu, que nous avons annoncé dans l’un de nos derniers numéros, vient de paraître sous le titre de : Fondation de l’hermitage du Mont-Cindre et de la tour de la Belle-Allemande, extrait d’une chronique de 1432, avec des détails sur Lyon et ses environs (voyez les annonces). – Nous en rendrons compte dans un prochain numéro ; l’Echo de la Fabrique et l’Echo des Travailleurs se sont enrichis de plusieurs articles de M. Beaulieu  ; nous avons donc été à même de connaître l’érudition de cet auteur modeste. Et nous pouvons assurer les lecteurs qu’ils ne seront pas victimes d’une mystification semblable à celle que M. le Chevalier Joseph bard1 leur a fait essuyer.

CHARADE.

Un bon gourmet sagement se méfie
De qui dit ; acceptez, je vous prie,
La fortune de mon premier.
C’est en répandant mon dernier
Que Lobeau s’attira le nom de tricanule
Et se couvrit de ridicule ;
Beaucoup d’honnêtes gens méritent mon entier.

Le mot du dernier logogriphe est rhume, dans lequel on trouve rhum.

Tous les livres, brochures, gravures, cartes,etc., dont il sera déposé un exemplaire au bureau de la Tribune Prolétaire seront annoncés, gratis, une ou plusieurs fois, selon leur importance. – Il en sera rendu compte dans l’intérieur du Journal moyennant le dépôt d’un second exemplaire destiné au Rédacteur chargé du compte-rendu.

Annonces.

(31-1) Fondation de l’HERMITAGE du Mont-Cindre et de la tour de la belle allemande, extrait d’une chronique de 1432, avec des détails sur Lyon et ses environs, orné de deux lithographies, par C. beaulieu.
A lyon, chez l’Auteur, place de la Feuillée, n. 1 ; Babeuf, libraire, rue St-Dominique ; Bohaire, rue Puits-Gaillot. – A paris, chez Bohaire, boulevard des Italiens, n. 10. – Un vol. in-12. Prix : 2 fr.

(32-1) lyon vu de Fourvière. Les dernières livraisons viennent de paraître. Cet ouvrage forme un beau volume, in-8. – On le trouve chez M. Boitel, éditeur, quai St-Antoine, n. 36, et chez tous les libraires.

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Notes (L’ INDICATEUR et la TRIBUNE PROLÉTAIRE ....)
1 Référence à la violence du journal révolutionnaire Le Père Duchesne à partir de 1792.
2 Référence ici à Benjamin Mazel auteur notamment en 1833 d’une Théorie du mouvement social fortement inspirée des idées de Fourier et dont l’Echo de la fabrique avait présenté le projet d’Association commerciale d’échange.

Notes (CONSEIL DES PRUD’HOMMES.)

Notes (ODE RELIGIEUSE. l’agonie. Ton temple...)
1 L’auteur est ici le poète et écrivain français Edouard d’Anglemont (1798-1876).

Notes (L’ouvrage de M.  C.  beaulieu , que nous...)
1 Référence à Joseph Bard (1803-1861) qui avait publié en 1834, La tour de la belle-Allemande, tradition lyonnaise.

 

 

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