L'Echo de la Fabrique : 15 mars 1835 - Numéro 26

aux partisans de l’amélioration industrielle.

[1.1]Bientôt tout ce qui avait quelque droit de distraire le public travailleur des graves questions d’amélioration industrielle se trouvera accompli, terminé. Le carnaval, avec ses folles joies, ses travestissemens grotesques, ses burlesques ou satiriques allusions, a déjà passé devant le peuple spectateur et aussi quelque peu acteur : disons-lui adieu jusqu’à l’an prochain, et travaillons à le rendre plus gai, ou si vous voulez moins triste pour le grand nombre des travailleurs de notre ville, que celui qui vient de s’écouler.

Des opérations plus sérieuses, relatives à la nomination des prud’hommes s’achèvent aussi aujourd’hui, et hâtons-nous de le dire, le choix des élus manifeste de nouveau combien la confiance publique est intelligente et sage.

Mais voilà que le champ reste libre et attend les hommes à idées largement réformatrices.

Que ceux-là dont la prévoyance étendue ne se contente pas de regarder un jour de joie factice ou d’occupations électorales comme un remède suffisant aux maux présens et à venir de la société, se préparent à entrer dans l’arène pour y poser la base de l’institution dont nous avons publié l’ébauche, institution qui aura puissance d’abolir successivement tous les abus industriels et commerciaux, dont l’effet oppresseur s’appesantit sur les populations laborieuses.

Sentez-vous le soleil transformer par sa douce influence les jours ténébreux et froids de la rude saison d’hiver ? Que ceci soit pour nous un symbolique encouragement, et devienne le régulateur de notre conduite. Au moment où la nature fait des efforts pour se soustraire aux frimats sous lesquels elle semble engourdie, que par analogie, ce même moment soit aussi pour nous une époque d’efforts pour nous soustraire à la tyrannie commerciale, principe malfaisant de toutes nos misères.

A l’exemple de la nature, surmontons le froid égoïsme qui comprime et glace notre cœur. Laissons-nous pénétrer par ce chaleureux sentiment qui nous fait vivre, non pas seulement pour nous tout seul, mais qui unit notre vie à celle de la grande famille humaine, et nous en fait ressentir toutes les douleurs, comme aussi toutes les joies. Travailleurs, si vous voulez être bons !
Si vous voulez être justes !
Si vous voulez être heureux !
Unissez-vous d’intention avec tous les travailleurs, et comprenez la fraternité universelle !

Or, voici bientôt le moment où l’on connaîtra celui qui aura compris et celui qui n’aura pas compris ; où l’on se [1.2]dira le nom de celui qui aura vécu d’égoïsme, et aussi de celui qui aura ouvert son cœur à la générosité.

Et cependant je vous le dis : beaucoup cacheront leur avarice et leur mauvais vouloir sous le masque d’une indifférence jouée et d’une ignorance volontaire.

Beaucoup prendront pour prétexte de s’abstenir la défiance exagérée qui existe entre les hommes. Objection immorale ! croyance impie ! qui s’opposerait à tout progrès, à toute amélioration, si elle avait le malheur de devenir générale.

D’autres, et ce seront les plus dangereux et ceux contre lesquels il faudra se tenir le plus en garde, d’autres, ne pouvant croire dans leur jalousie vaniteuse à une autre réalisation que celle des rêves ambitieux enfantés par leur imagination malade, rêves qui n’ont pour but que de faire ressortir la fausse valeur de leur individu, mettront en usage pour combattre ce qui est bien, toutes les ressources d’un amour-propre blessé. Des paroles de dérision sortiront à foison de leur bouche, des écrits insidieux, des protestations hypocrites seront prodiguées, et au besoin, la calomnie servira leur haine pour tout ce qui ne sort pas de leur superficielle et présomptueuse intelligence.

Dès le commencement dédaignez leurs vaines clameurs, car l’opinion publique les aura bientôt jugés. Ils ne tarderont pas à recueillir le juste prix de leurs œuvres malveillantes, et quelque chose qui ne sera ni le mépris ni le dédain, mais qui ressemblera plutôt à de la pitié sera l’unique châtiment dû à leurs coupables tentatives pour arrêter le genre humain dans sa marche de réforme industrielle.

Mais combien il en sera différemment de ceux qui, n’écoutant qu’une impulsion généreuse, auront selon leurs facultés, contribué à la fondation d’une institution réformatrice des abus de la concurrence commerciale. Satisfaits d’eux-mêmes, ils éprouveront ce contentement intérieur qui accompagne toujours une bonne action, surtout lorsqu’elle est sociale. Plus tard, ils seront heureux et fiers d’avoir cru que la probité et la bonne foi ne sont pas tout à fait bannies de dessus la terre. Oh ! croyez-le avec eux, il y a encore des honnêtes gens au monde. Il y a encore des hommes dévoués qui ne veulent pas que tout soit sacrifié à leur égoïsme, et qui ont encore quelque souci des intérêts sociaux. Or, ce sont ceux-là qui nous aident de leurs conseils ; ce sont ceux-là, qui spontanément, s’occupent de la préparation à la réforme commerciale ; ce sont ceux-là qui souscrivent pour la fondation des premiers établissemens de vente sociale. Et nous vous le prédisons, les noms de ceux-là deviendront glorieux et respectés. Un temps viendra où ils seront répétés par toutes les bouches, [2.1]avec cet accent de reconnaissance qui est plus éloquent que les louanges de l’adulation. Et qui sait même si quelque jour, une colonne érigée par nos heureux descendans ne retracera pas aux générations futures, les noms modestes et bienfaisans que l’Indicateur commence à enregistrer !

Quoiqu’il en soit, nous faisons aujourd’hui un appel positif à tous ceux qui nous lisent et nous aiment. A tous les partisans de l’amélioration industrielle nous disons : ayez confiance dans l’avenir, et préparez-le par votre coopération active à l’entreprise de réforme commerciale.

M. D.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique