L'Echo de la Fabrique : 8 mars 1835 - Numéro 25CONSEIL DES PRUD’HOMMES.Audience du 5 mars. présidence de m. ribout. Sur 18 causes appelées, 2 l’ont été sur citations, 3 ont été retirées, 2 ont fait défaut, et 3 ont été renvoyées, dont une à huitaine, une à quinzaine et une à samedi en conciliation. [2.2]Lorsqu’un chef d’atelier après avoir pris toutes les précautions imaginables, rend des rubans dont les lisières sont ternies ; le négociant a-t-il le droit de lui faire supporter tout, ou partie des frais du dégraissage ? – Oui. Mais comme dans cette cause le chef d’atelier avait mis en demeure le fabricant par un billet d’invitation, attendu qu’il voulait que ses rubans fussent visités par le conseil pour statuer sur la validité de la réclamation ; et que ce dernier n’a point obtempéré à cet avis et qu’il a expédié les pièces sans les faire visiter, il a été débouté de sa demande et contraint à supporter seul les frais du dégraissagei. Ainsi jugé entre Bosio, chef d’atelier, et Goibet, négociant. Lorsqu’un acte d’apprentissage porte pour réserve qu’en cas de maladie, ou autres causes légitimes, les parens pourront retirer leur enfant sans indemnité, et que le fait de maladie se trouve constaté par le rapport du médecin du conseil, que de plus, le chef d’atelier, par-devant témoin, a consenti à la résiliation des engagemens, à condition de rester possesseur de la somme qui lui avait été comptée en passant l’acte ; ce dernier peut-il revenir sur sa parole ? – Non. Seulement le conseil rétablit dans tous ses droits le chef d’atelier, si son élève reprenait la fabrication des velours en qualité d’apprenti ou de compagnon. Ainsi jugé entre Babolat, chef d’atelier, et Vital, apprenti. Un chef d’atelier qui a pris un apprenti pour le temps que nécessitera la confection d’une pièce, est-il en droit, vu la maladie de son élève, d’exiger une indemnité ? – Non ; attendu que le chef d’atelier est contrevenu à tous les usages connus dans la fabrique, le conseil a décidé que les conventions étaient nulles, que l’apprenti pourrait se replacer ailleurs pour faire un temps ordinaire, et a débouté le chef d’atelier de sa demandeii. Ainsi jugé entre Manisol, chef d’atelier, et Salidier, apprenti. Un apprenti peut-il obtenir la résiliation de ses engagemens par cause de maladie ? – Oui ; si elle est constatée par le médecin du conseil. Mais comme dans cette cause il a été établi par le rapport de ce dernier que l’apprenti jouissait d’une parfaite santé, que la maladie n’était invoquée que comme moyen d’éluder les conventions, que du reste la conduite de l’élève n’a pas paru satisfaisante ; attendu qu’il se retranchait encore, même à l’audience, sur une prétendue nourriture insalubre, fait qu’il a été facile au chef d’atelier de démentir, le conseil a décidé que les engagemens seraient résiliés et la somme de deux cents francs allouée au chef d’atelier à titre d’indemnité. L’apprenti ne pourra se replacer qu’en cette qualité. Ainsi jugé entre Garapon, chef d’atelier, et Goujet, apprenti. Lorsqu’une apprentie, qui a déjà travaillé neuf mois chez un premier maître qui est décédé, est placée dans une autre maison où, sur 10 métiers, on occupe 15 apprenties en les mettant alternativement 15 jours à la cuisine et 15 jours soit à faire des cannettes soit à travailler ; peut-elle, les conventions n’ayant pas été passées, se retirer de chez ce chef d’atelier sans lui donner une indemnité ? – Oui. Le conseil considérant que l’apprentie n’ayant pas eu de travail fixe, on ne peut envisager le temps qu’elle a passé dans l’atelier comme un essai, et que d’ailleurs 10 métiers ne peuvent suffire à 15 élèves, a débouté le chef d’atelier de sa demande et a laissé libre l’apprentie de contracter un engagement ailleursiii. Ainsi jugé entre Marteau, chef d’atelier, et Vignieux, apprentie. Un chef d’atelier peut-il au bout de 3 mois d’apprentissage faire [3.1]avoir un livret à une apprentie, sans la participation de ses parens ? – Non. Et attendu qu’il a enfreint tous les usages de la fabrique, le conseil a cassé les conventions, et a obligé le chef d’atelier à rendre à l’apprentie la somme de 80 fr. qu’il avait reçus, en lui ôtant toute indemnité. Ainsi jugé entre Couvert, chef d’atelier, et Badoil, apprentie. Dans l’affaire Broyas, maître teinturier, et Blanc, ouvrier, qui avait été ajournée pour un troisième essai, attendu que le sieur Blanc n’a rempli aucune des clauses stipulées dans le contrat, que le noir est très-inférieur et qu’il n’offre ni le brillant ni le craquant désiré, qu’au contraire, il laisse apercevoir une grande quantité d’huile ou d’autres corps gras qu’il a sans doute employés pour arriver à faire prendre à une livre de soie (de 15 onces) le poids de 28 onces qu’il s’était engagé à lui donner. Le conseil, après avoir pris connaissance du rapport des quatre membres qui avaient été délégués pour l’expertise, a décidé que le sieur Blanc, n’ayant pas atteint le but de sa convention, elle devenait nulle et qu’il lui était facultatif de travailler où bon lui semblerait. Notes de fin littérales:i. Nous prévenons les chefs d’atelier à cet effet, que toutes les fois que les négocians veulent leur faire éprouver un rabais, il ne sera jugé valide qu’autant que le conseil aura ordonné une expertise pour justifier du fait. ii. Un chef d’atelier connaissant son état n’aurait jamais imaginé qu’on pouvait prendre un apprenti pour faire une pièce seulement. Mais on remarquera que ce maître est de la campagne et que sans doute s’il est si bien avisé, il ne sait pas ce que c’est qu’un compagnon ; car on serait tenté de croire qu’il pense qu’un maçon peut faire des souliers sans avoir fait d’apprentissage. iii. Si nous avons à nous plaindre de quelques négocians, nous avons des chefs d’atelier qui mériteraient notre haine si nous étions susceptibles d’en avoir pour quelqu’un. Or, ce M. De tels procédés ne tendent qu’à jeter dans la fabrique de bien mauvais ouvriers qui ne peuvent que faire la perte et la ruine de nos ateliers. |