L'Echo de la Fabrique : 5 avril 1835 - Numéro 14

Projet d?un canal souterrain à pratiquer dans la montagne de la Croix-Rousse, pour la jonction du Rhône et de la Saône.

(Suite Voy. nos 7 et 9).

Outre les avantages qui doivent nécessairement résulter pour le commerce en particulier et pour les habitants de la cité en général du percement de la montagne de la Croix-Rousse ; cette admirable entreprise, en découvrant un grand nombre de sources, d?excellentes eaux, résoudra infailliblement et avec succès le problème de la fourniture de l?eau nécessaire à la consommation de la grande majorité des habitants de Lyoni. Toutes ces sources seraient recueillies en un ou plusieurs vastes réservoirs pratiqués de chaque côté de la voûte du canal. Leurs produits en seraient tirés au moyens de procédés hydrauliques et conduits à d?autres réservoirs dans l?intérieur de la ville. La montagne de la Croix-Rousse renferme, à différens niveaux, une immense quantité d?eau ; on peut s?en convaincre par le grand nombre de puits qui y existent. Ces puits offrent en profondeur 19, 27, 31, 38, 52 et 108 pieds ; un seul porte 131 pieds.

Il est donc hors de doute que par l?agglomération des sources et par l?emploi d?une faible portion des fonds [4.1]annuellement votés pour alimenter les fontaines de la ville, les habitans seront mis en possession d?eaux abondantes et non moins légères et salubres que celles de la Chana et de St-Georges.

Le percé de la montagne offrira, sous sa voûte, une gare des plus utiles aux Brotteaux, contre les glaces ; et un abri sûr pour toute espèce de marchandises contre les pluies, les gelées, les neiges et même les vols.

Des galeries parallèles à sa direction pourraient être ouvertes sur les parties latérales. Les dimensions et la position de ces galeries seraient différentes d?après l?usage auquel on les appliquerait. Dans l?endroit le plus sec on établirait un magasin à poudre ; dans les endroits humides seraient placés des réservoirs d?eauii, des glacières, des entrepôts de vin, etc., etc.

Un souvenir des plus tristes vient à l?appui de cette perspective d?utilité générale. L?arsenal de Lyon, à l?époque du siège, fut réduit en cendres. Un canal voûté comme il a été dit, aurait alors sauvé la fortune publique. Lyon pourrait un jour être assiégé ; il convient qu?il ait une retraite à l?épreuve du boulet et de la bombe, pour recéler ses archives, sa bibliothèque, ses tableaux et tout ce que la propriété publique ou particulière offre de plus précieux.

Moyens d?exécution du canal.

Ce serait se tromper que de croire qu?une entreprise aussi considérable exigerait une énorme mise de fonds. Des capitalistes initiés aux grandes opération financières, MM. les frères Séguin, furent chargés en 1830, par M. le préfet de l?époque, de lui faire un rapport sur le projet de ce canal. Le rapport de ces messieurs lui fut favorable, et la dépense d?après leur estimation, devait être de 1,535,000 mille fr., somme fort minime si on la compare à celle des produits de tout genre qu?offre l?exploitation du canal et des établissement accessoires dont il doit être le principe. MM. Séguin, d?après toute probabilité, auront calculé que de grands frais seraient épargnés dans cette entreprise ; que l?emplacement à acheter n?était point d?une grande valeur ; que les pierres et le sable se trouveraient sous la main ; que le Rhône et la Saône offraient de beaux bassins et réservoirs, qu?il n?y avait point à faire établir des canaux de charge ; que si la vente des terres devait être à peu près nulle, celle des pierres présentait plus de bénéfices, à en juger par l?exploitation du rocher de Pierre-Scize, dont les produits s?élèvent de 45 à 80 fr. la toise, tandis qu?ils ne sont payés aux extracteurs que de 20 à 22 fr. la toise. C?est d?après de telles considérations que le devis de l?entreprise ne leur aura point paru devoir excéder ladite somme de 1,535,000 fr.

Si, d?un autre côté, l?on considère que le besoin des eaux devient de jour en jour plus impérieux dans la ville et que l?exploitation souterraine des sources se lie à celle du canal, et permet d?adopter à cet égard un nouveau système, on peut sans crainte d?être taxé d?exagération, prédire que les produits de l?entreprise excéderont, sous moins de dix ans, les capitaux qui y seront employés.

Ce serait une question digne d?être méditée par le gouvernement de savoir si cette entreprise ne devrait pas être faite pour le compte de l?état, et si dans ce cas ce magnifique travail ne devrait pas être exécuté par des ouvriers appartenant à l?armée, comme le fut dans le temps le canal de Châlons. Deux compagnies de mineurs, munis de la poudre nécessaire, pourraient dans l?espace de deux ans, au moyen d?un procédé qui leur serait donné par l?auteur de ce projet, percer les rochers de la Croix-Rousse et ouvrir une communication réclamée par tant d?intérêts.

L?auteur de ce projet, encouragé par le suffrage flatteur de personnes graves et instruites, s?adresse avec confiance à MM. les négocians du Rhône pour en accomplir 1?accomplissement.

Il est convaincu que lorsqu?un tel projet aura été étudié sous le rapport des avantages généraux qui y sont signalés, et sous celui des développemens immenses dont il est susceptible, son adoption ne pourra faire l?objet d?un doute. Il ne saurait se persuader que les autorités et administrations du département du Rhôneiii, [4.2]qu?un grand nombre de riches propriétaires, ne s?empresseront point de participer à une entreprise monumentale si utile à la population lyonnaise, et dont l?exécution sera si glorieuse pour ses fondateurs.

A. bigaud1.

Notes de base de page numériques:

1 Annet Bigaud qui publiera l?année suivante à l?imprimerie Perrin, Canal du duc d'Orléans à Lyon. Projet d'un canal souterrain destiné à joindre le Rhône à la Saône.

Notes de fin littérales:

i. Les travaux qui s?exécutent aujourd?hui pour la conduite des eaux du RhôneRhône pourraient être utilisés pour y conduire aussi les eaux de sources.
ii. Qui, s?ils eussent existes dans les étés de 1822 et 1823, auraient rendu services aux habitants en les distribuant ainsi que cela se pratique à ParisParis.
iii. Le projet a été présenté à M. PrunellePrunelle, maire, le 20 juin 183120 juin 1831, et à M. GasparinGasparin, préfet, le 12 octobre 183312 octobre 1833.

 

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