L'Echo de la Fabrique : 19 avril 1835 - Numéro 16DE LA LOTERIE. L’origine de la loterie se perd dans la nuit des temps. On peut en effet regarder comme des loteries la division des terres faite par Moïse aux Israélites, le partage de la Laconie en trente-neuf mille parts ordonné par Lycurgue, le tirage au sort qui suivit l’enlèvement des Sabines par les Romains, etc. ; le partage du butin qui a existé et existe encore chez tous les peuples est une espèce de loterie. Le savant jésuite Ménestrier1 a publié à Lyon, en 1700 (chez Laurent Bachelu fils, in-8°, 150 pages), une dissertation des loteries dans laquelle il prend leur défense sous le rapport moral. A cette époque les loteries n’avaient lieu qu’en faveur du gouvernement ou des établissements publics et la part des pauvres y était assurée. Elles n’étaient censées faites que pour leur procurer du soulagement. La première loterie établie à Lyon, le fut en faveur du grand Hôtel-Dieu ; c’est à son sujet que le père Ménestrier a publié sa dissertation. Le parlement anglais en institua une en 1694, pour se procurer des ressources. En 1695 deux Lyonnais, Troachin Dubreuil et Jean Tourton en établirent une à Amsterdam pour la diaconie Wallonne, composée en grande partie de réfugiés français. Ce genre de loterie existait depuis long-temps en Egypte, en Allemagne et en Italie. Il était semblable à celles qui se pratiquent encore en Allemagne et à l’égard desquelles les gouvernements de France et de Belgique viennent tout récemment de prendre des mesures pour empêcher l’insertion de leurs prospectus dans les journaux, et à celles qui ont eu lieu en France en faveur des Polonais, etc. Dans ces loteries, les lots consistaient alors comme aujourd’hui dans le gain de meubles précieux, d’immeubles, de sommes plus ou moins considérables ; le nombre des billets est illimité et divisé en plusieurs séries. Il existe encore une espèce de loterie qui consiste à tirer au sort des lots, les uns importans, les autres de peu de valeur ou même ridicules. Néron, Titus, Héliogabale se sont livrés à ce genre de loterie, plusieurs directeurs des spectacles, pour attirer des souscripteurs à leurs bals, ont tenté de les ressusciter. On trouve encore dans quelques villages près de Paris, des loteries de bienfaisance dans lesquelles chaque lot est un acte de charité à remplir. On n’admet à y concourir que les personnes auxquelles leur fortune le permet. La loterie fut introduite en France par Mazarin, en 1644, sous le titre de banque royale. Laurent Tonti2, [4.1]napolitain, auteur des tontines, l’organisa. Les lots étaient comme nous l’avons dit des maisons, des bijoux, tableaux, etc., qui étaient délivrés au porteur du numéro que le sort désignait. Les six corps de marchands s’en plaignirent, et elle fut supprimée en 1658 ; mais on la rétablit l’année suivante. En 1758, la loterie fut réformée par un Gênois, sous le titre de loterie de l’école militaire, et établie telle qu’on la voit aujourd’hui, c’est-à-dire restreinte à quatre-vingt-dix numéros, dont 5 gagnant des sommes proportionnées à la mise du joueur qui peut spéculer sur extrait, ambe, terne, quaterne et quine ; ce dernier ne se joue plus. À compter du mois de septembre 1776, elle prit le titre de Loterie nationale de France, et fut restreinte à deux tirages par mois. Elle subsista ainsi jusqu’au mois de novembre 1793 ; à cette époque elle fut supprimée par la Convention nationale ; mais par un décret du 9 vendémiaire, an 6 (30 septembre 1797), elle fut rétablie sur les mêmes bases par le directoire exécutif. Une loi rendue dans l’une des dernières sessions a ordonné l’abolition de la loterie, à compter du 1er janvier 1836 ; et une ordonnance du 22 février 1829 l’a supprimée dans 28 départements et porté le minimum de chaque mise à 2 fr., au lieu de 50 c. Considéré sous le rapport des contributions indirectes, le produit de la loterie est devenu nul depuis quelques années. En 1832, il avait monté à 11,109,000 fr. ; en 1833, il est descendu à 10,140,000, et en 1844, il n’a plus que 5,583,000 fr. (Voy. n° 14, tableau du produit des impôts indirects). Notes de base de page numériques:1 Mention ici du jésuite, historien et héraldiste lyonnais Claude-François Ménestrier (1631-1705), auteur en 1700 d’une Dissertation des loteries. 2 Lorenzo de Tonti (vers 1602 – vers 1684), banquier d’origine napolitaine qui, protégé à Paris du cardinal Mazarin (1602-1661), proposa au milieu du 17ème siècle la première expérience de tontine. |