L'Echo de la Fabrique : 26 avril 1835 - Numéro 32A M. le Rédacteur de l’Indicateur. Monsieur, Le hasard m’ayant mis entre les mains la Tribune prolétaire du dimanche 19 avril, j’y ai lu une lettre de M. Charnier, dans laquelle j’ai remarqué le passage suivant : C’est à moi, à moi seul qu’est dû le titre de premier fondateur du la société industrielle mutuelliste en 1827, cela soit dit dans l’intérêt historique autant que dans celui de mon amour-propre. Cette usurpation du titre de fondateur du mutuellisme par M. Charnier, est un acte, causé sans doute par le fâcheux effet d’une indisposition mentale ; car mes réflexions sur cette absurdité n’ont pu me persuader encore que c’est de sang-froid que M. Charnier a pu l’écrire. L’association essayée par lui en 1826, n’eut jamais d’organisation ; il s’occupa 22 mois du règlement qui devait la régir. Ce règlement qui n’a pas moins de 135 articles, pouvant facilement se résumer en 25, ressemble tout net à un arrêté de police municipale ; c’est un véritable espionnage mutuel, de chef d’atelier à chef d’atelier, pour parvenir à savoir mutuellement ce qui se passe chez tous. Les femmes, avec le beau titre de surnuméraire, sont galamment admises par M. Charnier dans l’association, sans doute pour rendre l’œuvre plus facile aux sociétaires. Aucune idée n’est émise dans ce règlement pour parvenir à réformer les abus, existans en fabrique et les mauvaises coutumes de certains négocians ; aussi les heureuses inspirations de son auteur m’ont toujours fait croire qu’il avait travaillé précisément dans l’intérêt de ces messieurs et non dans celui de ses confrères. On peut en juger par les articles suivans : Art. 64. « Il est défendu, sous peine d’exclusion, de s’entendre jamais pour obtenir une augmentation de façon. Art. 121. « Seront exclus comme étant ingrats, ceux des membres qui cesseraient de travailler pour un fabricant dont il aurait reçu des avances. Art. 134. « Le présent règlement sera soumis à l’approbation des principaux fabricans, et son exécution aura lieu aussitôt cette formalité remplie. » On peut juger du charivari qui vint assourdir l’auteur des 135 articles, quand après longue patience ont pu chacun à leur manière le juger incapable d’une bonne et solide organisation. Quarante personnes présentes lui donnèrent de jolies petite bénédictions, et le laissèrent seul avec son grand projet. [3.2]Ce ne fut que plus tard, c’est-à-dire véritablement au mois de juin 1828, que quelques personnes revenues des dégoûts que M. Charnier leur avait causés, sentirent que pour protéger les intérêts du chef d’atelier et ceux de l’honnête négociant, une association industrielle était nécessaire. Un homme d’un esprit juste et au cœur généreux, en jeta les premiers fondemens, et ce fut là seulement le mutuellisme. Beaucoup d’autres, par d’heureuses idées, contribuèrent à cette création d’intérêt général, et nul n’a eu la ridicule ostentation de se donner le titre de premier fondateur. M. Charnier aurait donc étonné par sa lettre tous ceux qui savent qu’il n’est parvenu à se faire recevoir membre mutuelliste qu’au mois d’octobre 1832, au moment de la formation de la troisième loge centrale. Son numéro d’ordre est donc seulement dans la catégorie du septième cent. Je crois devoir vous adresser ces faits relatifs à M. Charnier, vous priant, M. le rédacteur, d’avoir la complaisance de les consigner dans le prochain numéro de votre journal, beaucoup plus dans l’intérêt de l’histoire, que dans celui de l’amour-propre de M. Charnier. Un Solitaire de la Montagne. |