L'Echo de la Fabrique : 17 mai 1835 - Numéro 20

La lettre de M. B. C. au sujet de l’affaire Bofferding contre Gelot et Ferrière dont nous avons parlé, dans notre dernier numéro, ayant été insérée, par l’Indicateur, dimanche dernier, nous pensons qu’il est inutile de la publier, la plupart des ouvriers étant abonnés aux deux journaux ; nous nous contenterons d’en donner l’analyse.

M. B. C. critique le dernier jugement rendu par le conseil des Prud’hommes et il puise ses argumens à la même source que nous (voyez n° 17) ; il estime que ce jugement a violé l’article 1134 du code civil qui dit formellement que les conventions ne peuvent être révoquées que du consentement des parties ; il attribue l’erreur du conseil au peu d’attention qu’il a portée à cette affaire, et à cet égard il fait une réflexion très juste.

« J’ai cru, dit-il, avoir remarqué qu’un trop grand nombre de causes insignifiantes se présentent à chaque séance ; elles absorbent une forte partie de temps, et, il en résulte que les débats de celles plus importantes ne se prolongent point assez pour éclairer les membres du conseil qui ont à prononcer ; je présume que c’est ce qui est arrivé à l’égard de la cause de Bofferding, car on ne peut nier que dans cette affaire, il y a eu un peu de précipitation. Le demandeur ayant été interrompu avant d’avoir pu achever de se faire entendre du conseil, qui ensuite s’étant immédiatement réuni pour délibérer, il ne lui fut plus possible alors de développer tous ses moyens de défense. Par cet oubli des articles 13 et 85 du code de procédure civile, le conseil aurait-il voulu entraver la libre défense, etc. »

Nous partageons entièrement le sentiment de M. B. C. ; mais nous devons renvoyer nos propres réflexions à l’époque où nous rappellerons aux Prud’hommes qu’ils ont pour mandat exprès d’établir la libre défense, époque qui ne saurait être éloignée, mais jusqu’à son arrivée, nous devons ajourner cette question.

M. B. C. fait ensuite ressortir avec justice le sens exact du mot occuper et il conclut avec nous que l’intention évidente des parties en se servant de ce mot, était de procurer à Bofferding un travail suivi de deux ans, en d’autres termes, une occupation fructueuse de ses métiers pendant ce laps de temps, afin de l’indemniser de ses frais énormes de montage arrivant à plus de 1 500 francs. En cas de doute la convention devait selon M. B. C. et selon nous, être interprétée contre Gelot et Ferrière ; et à et égard, l’art 1162 du code civil est explicite. Nous ajouterons un autre argument connu de tous les légistes et qui rend la position de Bofferding [2.2]plus favorable aux yeux de la loi que celle de ses adversaires. Ces derniers en demandant la nullité de leur convention plaidaient pour faire un bénéfice (de lucro petendo), et Bofferding plaidait pour éviter une perte (de damno vitando) ; car il est certain qu’en déduisant ses frais de montage sur son bénéfice, il est loin d’avoir récupéré les premiers, et dès-lors, il est en perte. Mais nous l’avons dit (voyez 1834, n° 9), « la question du montage des métiers est l’une des plus importantes de la fabrique. Résolue en faveur du négociant, elle amènera toujours dans un temps plus ou moins long la ruine du chef d’atelier. » Nous persistons dans notre dire.

M. B. C. trouve encore une contradiction entre le jugement dont s’agit et ceux rendus les 20 décembre et 29 janvier dernier entre les mêmes parties. Par ces jugemens, il fut alloué une indemnité à Bofferding pour avoir opéré quelques changemens de montage, savoir : 40 fr. 90 c. pour frais et 60 fr. pour journées perdues ; et il en conclut, que puisque aucune indemnité n’a été accordée par le montage primitif, c’est que l’occupation des métiers pendant deux ans avait été considérée comme suffisante, mais alors il fallait une occupation consécutive de deux ans.

Enfin, M. B. C. termine sa lettre par ce paragraphe :

« Je terminerai en disant que Bofferding lorsqu’il a élevé des réclamations a » usé d’un droit commun à tous… C’était toujours avec justice que ses demandes étaient adressées au conseil, et ce qui peut confirmer cette assertion, c’est que sur six griefs qu’il a fait valoir deux ont été terminés par des jugemens rendus en sa faveur, et quatre autres également furent décidés à la suite d’une conciliation qui lui valut la rentrée de dix-huit francs qu’on lui contestait sur le produit de ses façons ou autres causes. »

Ce dernier fait ne nous était pas connu.

 

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