L'Echo de la Fabrique : 31 mai 1835 - Numéro 37VARIÉTÉS.Deux beaux-frères cheminaient, devisant prouesse et courage ; ils allaient de Mangiennes à Damvillers. L’un d’eux chasseur intrépide et de la tête aux pieds, portait carnassière sur le dos, guêtre de cuir aux jambes, et fusil double sous le bras ; ses chiens, infatigables bêtes, éclairaient la route. L’autre, prototype des Cottu, tenait au port d’armes le classique parapluie, horripilant au récit des dangers qu’avait affrontés, sans peur, le compagnon de voyage, se disant la terreur des sangliers et des loups. Nos voyageurs arrivaient dans les clairs chênes de Romagne, au lieu-dit la Chapelle, lorsqu’un effroyable grognement se fit entendre ; c’était un hourra de porcs à la glandée que les chiens du chasseur avaient troublés dans leur pâture, et qui chargeaient au galop l’avant-garde canine de notre Actéon. À moi, beau-frère, s’écrie l’homme au parapluie, et il n’a que le temps de se jeter dans un taillis voisin, après avoir déployé son parachute. Le destructeur des carnivores et des marcassins, qui ne fait sans doute bonne guerre qu’aux sauvages habitans des forêts, et qui respecte la civilisation jusque dans les animaux domestiques, jette son fusil par terre et s’enfuit à toutes jambes. Serré d’un peu près par la troupe des compagnons de saint Antoine, il embrasse, il étreint un chêne ; il veut inutilement atteindre aux branches, et se voit forcé de grimper comme un écureuil en haut d’un baliveau, où il a bien de la peine encore à braver l’orage. Les pourceaux tracent une ligne de circonvolution, enceignent la place, sapent la citadelle à coups de boutoir et de groin et font trembler le terrible giboyeur, qui craint à chaque instant de tomber sous les coups de ces béliers vivans. Les intrépides caniches, épouvantés comme leur maître, se sont blottis derrière les broussailles et le beau-frère, remis un peu de sa frayeur, rit en tapinois, sous son parapluie, en songeant aux exploits passés de son compagnon qui se trouve assez embarrassé de sa gloire pour le quart d’heure. Règle générale : chasseur ou Cottu, ne vantez pas trop votre courage ; et lorsque vous n’êtes pas très brave gardez-vous de dire que vous n’avez jamais peur, le premier événement pourrait vous démentir. |