L'Echo de la Fabrique : 27 juin 1835 - Numéro 41AVIS AUX CHEFS D’ATELIER. Il est de notre devoir de signaler un fait qui se renouvelle souvent à l’audience des prud’hommes et qui est autant préjudiciable à l’humanité qu’à l’intérêt de ceux qui s’en rendent coupables ; nous voulons parler du peu de soin qu’apportent les chefs d’atelier de la partie des velours pleins, dans le choix de leurs élèves. Il en est, parce que quelquefois un engagement leur offrira quelque avantage, qui ne se font pas scrupule de contracter des conventions avec des parens qui, faute de connaissances, leur livrent des enfans soit trop jeunes, soit d’une constitution faible et dont ils compromettent la santé souvent pour le reste de leur vie. Les chefs d’atelier de cette partie n’ignorent pas que le travail des velours est un tout autre travail que celui des autres articles de la fabrique, que le battant est toujours très-lourd, que le travail des deux pieds et les grandes façures nécessitent l’élève à avoir toujours l’estomac contre le rouleau, et que par-là il ressent tous les contre-coups du battant, ce qui, lorsqu’il se trouve faible de constitution ou trop jeune, ne peut moins faire que de lui être très-préjudiciable, surtout si l’apprenti se trouve diligent ; car il veut braver ces inconvéniens ; il se force pendant un laps de temps plus ou moins long, jusqu’à ce qu’enfin des malaises commençant à se faire sentir, insensiblement il lui est impossible de fabriquer aussi long d’étoffe que dans le commencement de son apprentissage. De là les apparitions à la barre du conseil, les plaintes formées par le maître sur des arriérés de tâche, tandis qu’autrefois on la surpassait. Mais que les chefs d’atelier ne perdent pas de vue que le conseil avant tout prend la justice pour base de ses décisions, et que lorsqu’il voit paraître en sa présence des jeunes gens sans corpulence et dont la taille est loin de coïncider avec cette profession, que de plus des plaintes sont formées par les apprentis qui déclarent ne pouvoir supporter un travail si pénible, il ne peut moins faire d’en référer au sentiment du docteur chargé spécialement de l’inspection des élèves ; tout en blâmant les maîtres qui ne craignent pas de compromettre la santé des jeunes gens en les livrant trop tôt à une profession qui par l’assiduité qu’elle nécessite, influe souvent sur leur avenir. Or, que résulte-t-il le plus souvent de l’inspection du médecin ? Il en résulte que le plus ordinairement l’élève est jugé incapable [2.2]de continuer sans porter une grave atteinte à sa complexion. Par-là les engagemens sont résiliés, il est vrai avec indemnité ; mais elle est toujours bien au-dessous du rapport que le chef d’atelier s’était promis dans l’exécution de ses conventions, et son peu de soin à prendre les précautions nécessaires est cause de la perte qu’il éprouve. Nous engageons donc les maîtres veloutiers à faire à cet égard de sérieuses réflexions, s’ils ne veulent continuer ou courir le risque de compromettre leurs intérêts, tout en portant atteinte à la santé de leurs élèves souvent pour le reste de leur vie. |