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3 mars 1832 - Numéro 19
 
 

 



 
 
    
CONSEIL DES PRUD’HOMMES

Séance du 1er mars.

(présidée par m. guérin.)

A six heures et demie la séance est ouverte ; un grand nombre de causes ont été débattues ; celles qui ont offert le plus d’intérêt sont les suivantes :

Le sieur Bocquin, apprêteur, réclame au sieur Chanton le montant de sa facture, sur laquelle ce dernier veut lui faire un rabais. Le sieur Chanton dit que cet apprêteur lui a rendu plusieurs tabliers qui ont été déchirés chez lui, et qu’il se croit en droit de retenir le montant de la valeur de ces tabliers. L’apprêteur dit que dans le nombre des mouchoirs ou tabliers qu’il a apprêtés, ainsi qu’un de ses confrères, avec qui il s’était arrangé pour lui aider, le sieur Chanton étant très-pressé, il s’est rencontré plusieurs parties de l’étoffes qu’il était obligé de tenir tirant pour apprêter, qui, brûlées par l’impression, s’étaient déchirées, et qu’il ne pouvait être responsable de pareils accidens ; qu’au fait, lorsqu’il a rendu les tabliers, il ne lui a été fait aucune observation a cet égard, ce qui est une preuve que l’on n’avait pas alors l’intention de lui faire supporter cette perte, et que l’on ne lui a parlé de lui faire payer les tabliers que lorsqu’il a été pour recevoir le montant de sa facture. Le sieur Chanton présente au conseil des tabliers qui paraissent [6.1]effectivement s’être déchirés par la tension de l’apprêt.

Le conseil, considérant que l’apprêteur n’est qu’un ouvrier à façon, déclare qu’il ne peut, dans aucun cas, perdre la valeur des tabliers, mais bien celle de sa façon sur tous les tabliers qui sont déchirés. Les parties demeurent ainsi conciliées.

La dame Olagnon, dont la cause avait été renvoyée pardevant arbitres, réclame au sieur Chazon le montant de son compte, réglé par les arbitres, qui ont pris des informations vers un autre négociant qui fait fabriquer cet article, d’où il résulte que les 480 schals en contestation pour le prix, doivent être portés à 20 c., ainsi que le réclamait la blanchisseuse, qui présente de nouveau son livre, qui a été ainsi réglé par les experts. Le sieur Chazon établit pour moyen de défense, les mêmes raisons qu’il a déjà avancées, disant que les mouchoirs coton ne se blanchissait pas, et qu’il ne paye pour les apprêter que deux cent. 1/2 par schals, que même il en avait fait apprêter à un prix inférieur. La dame Olagnon répète ce qu’elle a déjà plusieurs fois avancé, qu’elle n’est que blanchisseuse de schals, et qu’après les avoir blanchis elle avait payé 5 cent. pour les faire apprêter. Le sieur Chazon montre des schals coton, qui ne sont pas les siens, pour prouver que l’on ne blanchit pas les schals où il entre du coton. La dame Olagnon dit que les mouchoirs présentés ont été blanchis, et que l’on blanchit indistinctement les mouchoirs coton et laine. Le sieur Chazon demande que la dame Olagnon lève la main pour affirmer qu’elle a blanchi lesdits schals, et n’a point reçu la somme de 25 fr. qu’il dit lui avoir donnée sans l’avoir marquée sur son livre. La dame Olagnon lève la main avec assurance, disant qu’elle les lèverait bien toutes les deux.

Le conseil, attendu que le sieur Chazon ne s’est point présenté pardevant M. Estienne, à qui la cause avait été renvoyée, et que les arbitres ont appelé un tiers avec eux afin de juger avec connaissance de cause, a déclaré que les 480 schals en contestation doivent être payés 20 cent. pièce, ayant été blanchis et dégraissés ; condamne le sieur Chazon à payer ce prix à la dame Olagnon, et aux frais.

Le sieur Parpillon expose au conseil que la dame Notin qu’il fait appeler, a été condamnée par le conseil, il y a 15 mois, à lui payer de suite la somme que son fils lui devait, s’étant arriéré sur ses tâches, qu’il avait accordé au sieur Notin une quinzaine de jours pour le payer, et qu’il y a plus de quinze mois qu’il attend. La dame Notin dit qu’il y a un an que son fils s’est enfui de chez son maître, et qu’elle ignore totalement ce qu’il est devenu, n’en ayant jamais eu de nouvelles, malgré toutes les recherches qu’elle a faites pour le découvrir. Le maître de son côté réclame encore l’exécution de ses engagements, ne voulant point les résilier sans une indemnité. La dame Notin se refuse à tout payement, disant qu’elle a des enfans, et son mari malade, et qu’il lui est impossible de payer.

Le conseil renvoie la cause à deux mois afin que la mère puisse trouver son fils.

La dame Valette expose au conseil qu’elle a monté deux métiers de schals au sieur Ajac1, qui fait défaut, lesquels lui ont coûté plus de 500 fr. ; que, lorsque ses métiers ont été montés, le sieur Ajac a écrit sur son livre qu’il ne s’engageait pas à lui donner plus d’une pièce sur sa disposition, elle fait aussi observer qu’une augmentation de 5 c. par mille, lui a été faite, parce que le premier prix était au-dessous du cours.

Le conseil, attendu que le sieur Ajac fait défaut, [6.2]a renvoyé l’affaire à une audience prochaine et engagé le chef d’atelier à travailler.

Le sieur Guibaud réclame au sieur Vuldy2, un défrayement, ayant monté exprès pour lui un métier de grenadine en 5/4, sur la promesse que ce dernier lui avait faite de lui continuer son métier pendant long-temps, que c’est sur cette promesse qu’il a acheté beaucoup de harnais pour ne fabriquer qu’une pièce de quatre-vingts aunes. Le sieur Vuldy répond à cette demande : qu’il n’est pas d’usage d’accorder des défrayemens pour des métiers à lisses.

L’affaire a été renvoyée pardevant M. Second.

Une dévideuse expose au conseil que n’ayant pas d’ouvrage, elle a été forcée de travailler pour son oncle qui n’a consenti à lui donner du travail, qu’à condition qu’elle accepterait en payement, au prix de 20 fr., une robe que sa femme avait portée, et qu’elle déviderait la soie au prix de 1 fr. 50 c. la livre. Plus tard, son oncle voulait encore lui faire prendre un mouchoir en paiement ou ne lui payer la soie qu’à raison de 1 fr. 25 cent. ; elle montre un roquet de la soie qu’elle a dévidée, demandant au conseil de fixer le prix du dévidage. L’oncle a répondu pour sa défense qu’il avait fait ainsi ses conventions avec sa nièce, et que chacun était bien libre de les faire comme il l’entendait. Le conseil a déclaré qu’il n’était pas d’usage de payer avec des nippes, les ouvriers que l’on occupait, que l’oncle devait reprendre la robe, et payer la soie, en argent, au prix de 1 fr. 50 c.

Un ouvrier qui devait une somme à un chef d’atelier, laquelle somme avait écrite sur son livret, s’est endetté de nouveau chez son second maître. Le conseil a déclaré que le plus ancien créancier devait être payé le premier par le maître qui l’occupe.

A comparu ensuite le sieur Peillon, moulinier, dont l’affaire avec le sieur Collet-Capitan avait été renvoyée pardevant arbitres ; lesquels se sont transportés sur les lieux, afin de constater les dépenses que le sieur Peillon a faites pour monter un moulinage appartenant au sieur Collet-Capitan, qui, par leurs conventions, s’était engagé à fournir continuellement de l’ouvrage au sieur Peillon. Le sieur Collet, n’ayant pu fournir des matières au sieur Peillon, a été condamné par le conseil, sur le dire des arbitres, à payer un défrayement de 600 fr. au sieur Peillon, et ce dernier à rendre les moulins.

Nous regrettons que l’espace nous manque pour donner les détails de cette affaire, qui a excité l’attention de l’auditoire.

Notes (CONSEIL DES PRUD’HOMMES)
1 Il s’agit de Jean François Ajac, marchand-fabricant domicilié 6 rue des Capucins.
2 Pierre Vuldy, marchand-fabricant de soieries, 11 rue des Capucins.

 

 

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