L'Echo de la Fabrique : 11 mars 1832 - Numéro 20

AU RÉDACTEUR

Monsieur,

La fondation de l’Echo de la Fabrique se rattache, sans nul doute, aux dissentimens survenus entre les fabricans et les ouvriers en soie. Ce journal répond à un besoin de la société, préexistant mais mal compris et partant mal défini jusqu’à ce jour. Sous ce rapport, vous avez noblement rempli la tâche que vous vous étiez imposée. Maintenant que par la sagesse et la vigueur de ses doctrines, l’Echo a pris une grande extension et est devenu populaire, votre intention est-elle de vous renfermer dans la spécialité de votre origine, ou d’étendre votre sollicitude sur toute la classe ouvrière ? Dans le premier cas, vous n’auriez fait, il me semble, que remplacer l’égoïsme individuel par celui de caste, non moins funeste. En effet, le sage Fénélon disait qu’il fallait préférer sa famille à soi-même, ses concitoyens à sa famille, et le genre humain à ses concitoyens. Ainsi, je crois votre mission plus grande : un immense horizon est devant vous ; soyez le défenseur de la classe prolétaire ; quelques-uns de vos articles semblent déjà annoncer ce but.

Si donc votre intention est d’être utile, non-seulement aux ouvriers en soie (quoiqu’ils soient et doivent continuer d’être vos cliens de prédilection), mais encore aux prolétaires de tout état, ce qui cimentera d’autant l’alliance désirable entre tous, je vous offre ma coopération désintéressée.

C’est dans l’enceinte de la justice de paix, tribunal populaire, que je veux conduire vos lecteurs. Je vous rendrai un compte sommaire des affaires qui présenteront quelqu’intérêt, non pas de cet intérêt que la renommée exploite, mais de celui qui est par son application journalière utile à tous les individus. Je me permettrai aussi des excursions aux tribunaux de commerce et de police correctionnelle et municipale. Quelques observations judiciaires viendront rompre la monotonie de ces comptes-rendus. Combien d’abus ignorés n’attendent que la publicité de la presse pour disparaître !

Si ma proposition vous agrée, etc.

Un légiste prolétaire.

 

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