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11 mars 1832 - Numéro 20
 
 

 



 
 
    
AU MÊME.

Monsieur,

J’ai lu, Monsieur, dans votre feuille du 26 février, un article signé Pelosse, ouvrier en schals, que j’ai employé une seule fois à la fabrication d’une pièce de 31 aunes, et qui a été l’occasion de circonstances assez désagréables pour lui aussi bien que pour moi-même.

Au récit qu’il a fait, et qui n’est pas d’une exactitude irréprochable, j’ai à répondre sommairement que mes démarches auprès de l’administration municipale n’ont point été de diriger contre lui des soupçons offensans, mais bien de rechercher comment un des schals fabriqués [4.2]par cet ouvrier avait pu figurer sur les épaules d’une dame dans la promenade publique lorsqu’aucun d’eux n’avait été vendu par des marchands au détail, de Lyon. Ce qu’il me sera facile de prouver : un sentiment mêlé d’étonnement et de curiosité me fit aborder cette dame avec tous les égards auxquels elle avait droit, en lui demandant où elle avait fait l’emplette de son schal ; elle eut la bonté de m’indiquer une madame Feudon, demeurant rue des Quatre-Chapeaux, qui le lui avait fait payer 60 fr., c’est-à-dire à 10 ou 15 fr. au-dessous du prix que je les livre moi-même au détail. Une différence aussi choquante m’engagea à en informer l’administration qui me fit prier la dame qui portait le schal à lui fournir tous les renseignemens qui se rattachaient au fait de l’emplette, et sur ses indications la dame Feudon fut invitée à se rendre chez le commissaire central ; là, elle confirma que le schal avait été, par elle, vendu au prix de 60 fr. et sur une nouvelle question déclara qu’elle l’avait acheté d’un Juif au prix de 50 fr.

Une telle réponse loin d’être satisfaisante était de nature au contraire à engager M. le commissaire à poursuivre ses investigations. En conséquence le mari de Mme Feudon, mandé à son tour, confirme tous ces faits et produit une facture acquittée d’un individu inconnu, qui lui avait livré le schal à 50 fr.

C’est après ce commencement d’instruction et alors seulement que M. le commissaire me fit appeler pour savoir le nom de l’ouvrier qui avait fabriqué pour moi le schal vendu par le Juif ou tout autre individu à M. Feudon. C’est alors que j’ai dû nommer le sieur Pelosse, et que M. le commissaire a cru de son devoir d’adresser le sieur Feudon et le sieur Pelosse à M. le juge d’instruction.

Il résulte donc de l’exposé que je viens de tracer que dans les démarches volontaires et obligées qui résultent de mon fait, il ne s’en trouve aucune qui ait même l’apparence d’une dénonciation dirigée contre le sieur Pelosse, et d’un acte attentatoire à sa réputation.

Les informations judiciaires auxquelles il a pu être soumis n’ont eu lieu ni sur ma demande, ni même à l’aide d’insinuations dont j’aurais été l’auteur.

Certes l’obscurité qui règne encore sur les rapports qui se sont établis entre M. et Mme Feudon et le Juif ou l’individu mystérieux qui a acquitté la facture au prix de 50 fr. a dû suffire à M. le juge d’instruction pour vouloir remonter jusqu’au nom de l’ouvrier.

Quant à moi, j’ai dû subir avec la plus scrupuleuse exactitude la compulsion de mes livres qui ont prouvé qu’aucun de mes schals, ainsi que je l’avais allégué, n’avait été vendu à Lyon à l’époque où j’eus l’occasion d’en voir un, revêtant les épaules d’une dame à la promenade.

Je désire, Monsieur, que le sieur Pelosse soit satisfait des explications auxquelles sa lettre a donné lieu de ma part.

J’ai l’honneur de vous saluer.

Cde Cocq.

Note du Rédacteur. Nous nous empressons d’annoncer que M. Cocq s’est présenté dans notre bureau afin de nous déclarer qu’on avait trouvé le voleur ; c’est le sieur Feudon qui a volé le schal chez M. Paturle.

Nous insérons avec plaisir la justification et de l’ouvrier et du fabricant.

 

 

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