L'Echo de la Fabrique : 15 avril 1832 - Numéro 25

DU DÉCHET ET DES TIRELLES.1

De tous les temps, et dans tous les pays manufacturiers, il a été reconnu que les matières propres à fabriquer les étoffes font du déchet en les travaillant. Ce fait a toujours été reconnu dans notre ville ; les premiers réglemens de notre fabrique en font foi. Autrefois les maîtres-gardes et de nos jours les prud?hommes, ont suivi ces usages comme la base de toute règle juste et équitable. Depuis la publicité des séances des prud?hommes, aucun de ses arrêts n?a démenti ce principe de sa jurisprudence ; au contraire, le conseil a confirmé, par plusieurs jugemens, qu?une tirelle était due toutes les pièces, et que les déchets devaient rester fixés comme précédemment :

1° Pour les soies teintes crues, cuites et souples, à 3 pour 100 ou 12 deniers par livre ; 2° que pour les matières laines et bourres de soie, il restait fixé à 4 1/2 p. 100 ou 18 deniers par livre ; 3° sur les soies teintes en gros noir et sur les cotons divers, à 3 3/4 p. 100 ou 15 deniers par livre ; 4° que seulement une diminution serait faite sur les matières crues non teintes, que l?on est forcé de coller pour tisser le crêpe de Chine, et que ces déchets seraient fixés à 1 1/2 p. 100 ou 6 deniers par livre. Pour les chaînes laines ou coton, il n?a encore rien été décidé.

Par la publicité que nous donnons des séances des prud?hommes, ses jugemens sont également connus des négocians et des chefs d?ateliers ; ces derniers n?ont jamais cessé de réclamer leurs droits, qui, comme nous venons de le prouver, furent toujours reconnus par le conseil.

Comment expliquer aujourd?hui la ténacité de quelques fabricans, à refuser à leurs ouvriers, soit les 15 gr. pour tirelles, soit les déchets, en leur en contestant la valeur fixée, supposant qu?ils ne doivent point donner de déchet sur les chaînes, et que le déchet fixé sur le gros noir, laine et bourre de soie, ne doit pas être plus élevé que sur les soies cuitesi. Ces raisonnemens sont faux et captieux, et quelques négocians ne s?en servent que pour enlever à l?ouvrier timide ce qui lui est dû, et que ce dernier n?ose réclamer devant le conseil dans la crainte de manquer d?ouvrage ; ces man?uvres sont regardées, même par les honnêtes négocians, comme une tyrannie qui empêche une réconciliation sincère entre deux classes obligées, par leur industrie, d?être continuellement en rapport, et qui se devraient également confiance l?une et l?autre.

Que ceux qui osent prendre le titre de chefs naturels des ouvriers, et qui au fait ne sont pas plus qu?eux dans l?ordre social, puisque tous sont égaux devant la loi, montrent l?exemple de la justice et de l?équité envers leurs ouvriers ; qu?ils respectent les décisions du conseil des prud?hommes ; qu?ils se conforment aux usages et aux règles générales que l?égoïsme de quelques-uns d?entre [4.1]eux a essayé de détruire en substituant leurs coutumes arbitraires qu?ils faisaient avec ostentation afficher dans la cage de leurs magasins.

Eh bien ! nous le répétons, que toutes ces man?uvres tyranniques et vexatoires, introduites depuis peu d?années, et que l?on eût rougi d?employer il y a 50 ans, cessent ! Que les négocians se fassent gloire d?être justes et prêts à secourir les ouvriers, dont le plus grand nombre est à la misère !

En un mot, que tous les usages qui sont une loi acquise pour les ouvriers, les déchets, les tirelles, les laçages de cartons et les défrayemens pour les montages de métiers, leur soient religieusement payés ; alors les fabricans seront assurés de l?estime et de la bienveillance de tous.

Notes de base de page numériques:

1 L?auteur de ce texte est Joachim Falconnet d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes de fin littérales:

i MM. CoutanceCoutance et MarieMarie ne veulent point consentir à payer le déchet du gros noir à 15 deniers par livre. Ils refusent même de porter un déchet sur le poids de la chaîne, et viennent de refuser de l?ouvrage à un ouvrier qui, se trouvant en solde, réclamait contre cette injustice.

 

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