(2me article.)
Depuis notre article de dimanche dernier, nous avons reçu la revue de Westminster d?avril, qui, sous le titre de Commerce de France, contient une critique sanglante de la commission, du rapporteur et du rapport de la loi des céréales ; il confirme vertement ce que nous avons dit de M. le baron Charles Dupin2, le père des ouvriers, et de nos honorables, l?élite du pays. Nous traduisons ici la conclusion de cette critique saine et éclairée.
« Mais à quoi bon se plaindre et se lamenter de l?ignorance en pareilles matières. La lumière, dans ces sortes de sujets, doit venir d?en-bas et non d?en-haut. Elle n?est jamais descendue d?une chambre de députés au peuple ; toutes les chambres ont raisonné à contre-sens sur des choses qui, depuis 20 ans, étaient devenues banales pour le peuple. Ce ne sera que lorsque la masse des classes moyennes et laborieuses sera aussi éclairée sur ses intérêts généraux que particuliers, que cessera le système d?impositions établi sur cette singulière conviction, qu?il est d?intérêt public de payer le blé (ou le pain) cher et de l?importer par des bâtimens aussi très-chers?
« Les nations, ainsi que les hommes, n?acquièrent l?expérience et le bon sens qu?avec le temps ; en attendant, il faut qu?ils souffrent. »
L?économiste anglais a bien raison ; il faut vingt ans pour que les besoins nouveaux qu?éprouve le pays soient satisfaits par ses représentans. Serait-ce donc qu?ils sont moins éclairés que les masses. Non certainement, puisqu?ils en sont l?élite ; mais c?est qu?il est rien qu?un changement, qu?une amélioration dans les lois qui règlent [3.2]les intérêts matériels, ne nuise à un certain nombre de citoyens. Or, les citoyens que l?abolition d?un monopole, la diminution d?un droit d?entrée, gêne ou dérange momentanément, sont généralement les grands propriétaires, les gros manufacturiers ; or, la chambre, en France comme en Angleterre, de quoi se compose-t-elle ? suivez le raisonnement, et vous aurez la solution de ce problème : « Comment se fait-il que les représentans d?un pays soient les derniers à en comprendre les besoins ? »
En ce moment, par exemple, il serait de la plus haute importance de suivre l?Angleterre dans la voie libérale qu?elle a si largement ouverte, en admettant, moyennant des droits, tous les articles des manufactures françaises et en réduisant les droits sur nos vins. Le ministère français en comprend l?avantage et l?opportunité ; mais il n?ose de crainte de s?aliéner messieurs les monopolistes qui peuplent la chambre des députés ; cependant il faut enfin qu?il se décide, qu?il opte entre les masses qui souffrent et quelques exceptions qui profitent ; il faut qu?il entre, vis-à-vis de l?Angleterre, dans la voie de réciprocité, ou qu?il s?attende a voir prohiber par elle, avec toute justice, les soieries françaises, dont l?introduction est vivement attaquée par les fabricans anglais.
La fabrique de Lyon semblait renaître, lorsque le choléra est venu rompre brusquement ses relations avec la capitale, où toutes les consommations aboutissent ; au même moment, les nouvelles de l?Amérique du nord ont enlevé tout espoir de travail pour ce pays ; que la faiblesse ou l?imprévoyance du gouvernement nous laisse fermer le débouché de l?Angleterre, et nos fabriques sont ruinées, et nos ouvriers, par milliers, seront obligés d?émigrer ou de mendier leur pain.
Nos honorables, au lieu de gaspiller leur temps en discours interminables sur des questions personnelles ou même de mysticisme constitutionnel, eussent dû s?occuper davantage des intérêts matériels du pays, les seuls qui intéressent directement les travailleurs.
Dans un prochain article, nous montrerons comment le gouvernement français pourrait non-seulement empêcher la prohibition de nos soieries par l?Angleterre, mais encore obtenir d?elle une réduction de droits qui augmenterait nos exportations.
Z.